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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 08:33
Les élections régionales de 2010 semblent avoir vu renaitre ce qui constituait un des piliers de la puissance communiste des années 1930 aux années 1980, le "vote rouge" du massif central. Celui-ci s'était effondré dans le Limousin et était en repli constant dans l'Allier, coeur de la puissance communiste en Auvergne.

Dans le premier cas, le repli était intervenu dès les années 1980 avec le départ des partisans de Marcel Rigout du PCF pour former l'ADS (Alternative-Démocratie-Socialisme). La gauche radicale était donc toujours présente, surtout en Haute-Vienne, mais n'était plus favorable à un PCF jugé trop passéiste.
Dans l'Allier, le déclin est plus récent. L'effritement est entamé dès les années 1980 mais c'est surtout le départ d'André Lajoinie, député charismatique et candidat à la présidentielle en 1988, et  de Pierre Goldberg, député et maire de Montluçon, qui ont affaibli le PCF au début des années 2000. Il détient toujours le conseil général  et a gagné un siège de sénateur mais n'a plus de mairie importante ni de député.
Les élections européennes de 2009 sont venues se greffer sur ce paysage communiste morcellé et ont apporté un premier renouveau. La dynamique du Front de Gauche avait permis à la candidate communiste Marie-France Beaufils, pourtant élue dans la région Centre, de dépasser les 10 % des exprimés dans l'Allier (en repli par rapport à 2004) et surtout en Corrèze et en Haute-Vienne (en progression). Le Front de Gauche abordait donc les élections régionales dans une position dynamique, après le succès des européennes (plus de 10 % dans le Limousin).

Auvergne
En Auvergne, porté par le député du Puy-de-Dôme André Chassaigne, le FdG obtient au premier tour 14,24 % des suffrages exprimés (9,5 % en 2004). Les résultats détaillés montrent un début de recomposition du vote communiste dans la région. Le bastion traditionnel du PCF, l'Allier, n'est plus la zone de force principale du Front de Gauche. Avec 13,79 % des voix André Chassaigne y est même en repli par rapport à son résultat de 2004. Il progresse au contraire en Haute-Loire et dans le Cantal où il dépasse 5 % des exprimés (respectivement 6,52 % et 5,86 %). Surtout, le point de force du vote Chassaigne devient le département du Puy-de-Dôme où il obtient 19,71 % contre 9,54 % en 2004.
Cette évolution est de taille : l'effritement du vote communiste dans l'Allier se poursuit, même si celui-ci reste à des niveaux élevés; le vote FdG se recentre dans le Puy-de-Dôme et progresse dans les régions de plateau et de  montagne du Cantal et de Haute-Loire. Cette progression massive, malgré la baisse de la participation, se traduit surtout dans les campagnes. On a bien un vote rural hostile à la compression des services publics (hôpital, la poste, éducation...) et à l'abandon des campagnes par le pouvoir (rappelons que le revenu agricole a baissé en moyenne de moitié depuis 2008, particulièrement pour l'agriculture de montagne), qui se porte de nouveau sur un candidat communiste.
La personnalité d'André Chassaigne a également joué une rôle important : populaire et connu dans la région, il obtient des résultats particulièrement élevés dans sa circonscription (plus de 40 % dans la ville de Thiers, pourtant peu portée à gauche).
Dans le département de l'Allier, les résultats sont moins encourageants : c'est le seul bémol à cette victoire. Le vote communiste dans le bocage bourbonnais reste stable. Il poursuit toutefois son déclin dans le bassin ouvrier de Montluçon : le PCF est désormais assez largement distancé par le PS et ne peut plus prétendre à la domination de la gauche pour la reconquête de la ville, qu'il a dirigé de 1977 à 2001.

Limousin
Le Limousin présente une configuration un peu différente. La tête de liste Christian Audouin, bien que reconnu pour son travail de conseiller régional, n'y avait pas la dimension charsimatique et le poids d'André Chassaigne en Auvergne. La liste était également différente : le Front de Gauche était ici élargi au NPA d'Olivier Besancenot.
Avec 13,13 % des suffrages exprimés au premier tour, l'attelage FdG-NPA réalise un bon résultat au regard du ceux du seul FdG aux européennes. Ils restent toutefois en retrait par rapport à ceux cumulés des deux formations en juin 2009 (17 %). Comme partout en France, le repli du NPA est net et c'est clairement l'électorat du FdG qui a porté la dynamique de la liste au premier tour.
La liste menée par Christian Audouin obtient son meilleur résultat en Corrèze, où le PCF a conservé une meilleure implantation (14,13 %). Suivent la Haute-Vienne (12,67 %) et la Creuse (12,40 %).  Ces résultats encourageants sont là encore plutôt portés par les campagnes. Avec 11,06 % des voix à Limoges, le FdG réalise un très bon résultat toutefois en retrait sur ses moyennes départementales et régionales. On retrouve ce schéma dans la plupart des villes de la région.
Le vote rural est donc comme en Auvergne le pilier du renouveau du vote "rouge" dans le Massif central. La thématique de la casse du service public et du soutien à l'agriculture ont également marqué la campagne électorale, plus que les grands chantiers comme la LGV Poitiers-Limoges portée par le PS.

L'histoire aurait pu s'arrêter là mais, en rejettant le candidat NPA en Haute-Vienne et en voulant briser la solidarité de la liste, le PS a empêché toute fusion entre les deux listes et contrait le FdG à se maintenir au deuxième tour (cas unique en France). Ce maintien a clairement profité au FdG qui progresse fortement entre les deux tours et gagne plus de 20 000 voix (équivalant à la totalité de la hausse de la participation entre le premier et le second tour !). Elle  atteint 19,10 % des suffrages exprimés. La progression est particulièrement forte en Haute-Vienne, où le PS avait refusé la fusion, où le FdG culmine à 21,47 % des voix (+9 points), mais également perceptible en Corrèze (17,35 %, +3 points) et dans la Creuse (16,18 %, +4 points).
La carte suivante montre bien le différentiel entre les deux tours :

limousin.gif

Le vote rural en faveur du FdG est renforcé par l'attitude du PS : une partie de l'électorat PS et EE, proche dans cette région de la tradition du vote rouge et radical qui avait alimenté la puissance du PCF pendant plus de 50 ans, s'est de nouveau portée sur la gauche radicale, en l'occurence le FdG. Celui-ci réalise quelques résultats impressionnants dans certaines villes (27 % à Rilhac, Ambazac et au Palais-sur-Vienne, 23 % à Rochechouart et Saint-Junien) dont un 20 % à Limoges, du jamais vu depuis les années 1970.
La hausse de la participation ne dessert donc pas le FdG : contrairement a ce qu'affirment nombre d'analystes, ses listes ne sont pas fortes en cas de faible participation car son électorat serait surmobilisé. On voit bien dans ce cas la marge de progression qu'il conserve chez les abstentionistes voire les électeurs d'autres listes de gauche.
La dynamique d'union de la liste FdG-NPA a incontestablement joué dans le succès de celle-ci au deuxième tour par rapport à un PS diviseur. La tradition de gauche de cette région est également importante pour comprendre la facilité du déplacement des voix en faveur de la gauche radicale.

Au terme de ces régionales, on peut donc dire que le pari du FdG est pleinement réussi dans ces deux régions. Il a su capter l'électorat communiste traditionnel et l'élargir dès le premier tour en Auvergne, au second dans le Limousin. Le FdG représente désormais la troisième force politique française dans ces deux régions, c'est dire s'il faudra compter avec dans les années à venir.
L'enjeu pour les militants et les élus locaux est désormais de fidéliser dans la durée cet électorat encore composite (anciens communistes, socialistes, abstentionistes, ruraux...) et de lui proposer un projet commun et porteur.
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