Enfin une vraie progression pour le Front de Gauche ! Après la stabilisation opérée aux élections européennes de 2009 (voir l'article) et le semi-succès des régionales de 2010 (voir les articles sur la France, le massif central, l'Ile-de-France et le pourtour méditerranéen), le Front de Gauche s'offre son premier vrai succès électoral.
Avec 7,91 % des suffrages exprimés au premier tour le PCF dépasse seul son résultat de 2004 sans même tenir compte des 1,01 % du PG, ce qui porte le total du Front de Gauche à 8,92 % (le ministère de l'intérieur a comptabilisé les deux résultats à part puisque, à la différence des deux élections précédentes, les cantonales étaient des élections uninominales).
Au deuxième tour, le Front de Gauche a su conserver sa dynamique. A lui seul, le PCF obtient 113 conseillers généraux sur cette série (96 sortants) portant son total à 220, sans même compter la trentaine d'élus du Front de Gauche non communiste (majoritairement PG, secondairement ADS dans la Haute-Vienne). Rappelons pour faire bonne mesure que c'est la première fois qu'il progresse en nombre de conseillers généraux depuis 1976. Le PCF conserve la présidence de ses deux départements, le Val-de-Marne et l'Allier, et augmente sa majorité dans les deux cas. Dans la banlieue de Paris en particulier il a su résister au coup de force mené par EELV qui comptait bien se faire élire avec les voix de la droite et de l'extrême-droite contre les communistes et qui a été sanctionné par les électeurs, puisque battu dans tous ses duels avec le PCF, aussi bien dans le 93 que le 94.
Ainsi et indéniablement, ces élections cantonales ont marqué un vrai succès pour le Front de Gauche, largement porté par le PCF et son implantation locale. Le PCF progresse aussi bien en terme d'élus dans ses départements de très forte implantation (+1 canton dans le Val-de-Marne, +1 dans la Seine-Saint-Denis, +2 dans le Nord, +1 dans le Pas-de-Calais, +1 dans l'Allier, +2 dans le Puy-de-Dôme) qu'en voix dans ses départements de plus grande faiblesse.
Immédiatement et pour ne pas sombrer dans l'euphorie, il faut apporter quelques limites à ce constat très positif. D'abord, un certain nombre de sortants ont été battus et le PCF continue son repli dans certaines régions (Dordogne avec encore un canton perdu soit 7 élus de moins depuis 1998, Bretagne avec 2 élus en moins soit 6 de moins qu'en 1998, Var). Surtout, ces résultats ont été obtenus dans un scrutin marqué par une très forte abstention et par la force du vote local. Plus qu'une dynamique nationale, ce succès démontre ainsi la vitalité de la présence communiste en France, incarnée dans ses réseaux d'élus, qui peut servir de support pour la campagne de 2012.
Il apparaît également clairement que le PCF obtient ses meilleurs résultats là où il dispose de maires. L'échelon municipal est, avec le cantonal, celui où le PCF reste le mieux implanté avec près de 700 maires dont 90 dans des villes de plus de 9 000 habitants. De manière symptomatique, on notera que nombre de victoires aux cantonales ont ainsi lieu dans des espaces où les maires communistes sont soit très bien implantés, soit où des maires viennent d'être élus (Villeneuve-Saint-Georges dans le Val-de-Marne).
La carte ci-dessus présente les résultats du Front de Gauche (et donc pas seulement du PCF) aux élections de mars dans les départements. La progression par rapport aux régionales est nette, mais elle doit être relativisée puisqu'elle repose d'abord sur la très bonne implantation locale des communistes. Un certain nombre de résultats très élevés s'expliquent ainsi par une concentration des voix communistes dans un nombre réduit de cantons sortants. C'est par exemple le cas de la Meurthe-et-Moselle (5 élus sortants réélus), de la Dordogne (4 élus sortants dont 3 réélus) ou encore de la Lozère (1 sortant réélu à 100 % au premier tour, mais qui pèse lourd compte tenu du faible poids démographique du département). La Vienne, le Loiret, l'Aisne, l'Essonne, le Jura se trouvent dans de telles situations. Il convient donc de ne pas sur-interpréter ces résultats.
Pour autant, un certain nombre de dynamiques favorables sont confirmées ou se font jour. On notera d'abord la très bonne tenue du vote communiste en Auvergne et en Limousin dans la lignée des régionales. Le PCF se maintient dans l'Allier (baisse à Montluçon, progression dans le bocage bourbonnais), progresse en voix et en élus dans le Puy-de-Dôme, la Haute-Vienne, la Corrèze, le Cher (même dynamique bien que situé dans la région Centre) et signe un résultat très encourageant dans le Cantal (terre historiquement de droite où l'on dépasse les 8 %).
Inversement, un certain nombre de résultats apparemment défavorables s'expliquent par la stratégie de certaines fédérations communistes de présenter peu de candidats dans les cantons, en raison d'accords avec les socialistes (dans l'Yonne) ou de lacunes dans l'implantation locale (les deux départements corses où le PCF dépassait pourtant les 10 % aux régionales avec une participation sensiblement supérieure). Dans la Somme, le faible résultat s'explique par l'effondrement de la fédération communiste, divisée par « l'affaire Gremetz » et la scission de « Colère et Espoir », son parti. Conséquence, les trois sortants communistes sont battus et Maxime Gremetz échoue à se faire élire à Amiens. On est là dans le cas d'une tendance lourde au repli du PCF du fait de ses divisions départementales.
Enfin, il reste à envisager les perspectives laissées par cette élection. Ces bons résultats locaux permettent d'abord de replacer le PCF en position de force pour les élections sénatoriales où nous avons 18 sortants en 2011 et que le PS ne veut pas reconduire au profit d'EELV (pourtant très nettement moins bien implanté en terme d'élus locaux). Sur la base de ses 9 %, le Front de Gauche peut en outre envisager un résultat correct à la présidentielle si les réseaux d'élus désormais confirmés à tous les niveaux (régions, départements, communes) sont mobilisés efficacement au cours de la campagne.
A plus long terme (précisément 2014), ces élections sont porteuses d'espoir de reconquête pour les élections désormais existentielles pour le PCF, les municipales. Les résultats des cantonales ont bien montré, on l'a dit, la force de l'implantation des maires communistes et leur poids pour les résultats du Parti, désormais sensible à tous les scrutins. Or, nos résultats en hausse placent clairement les élus communistes dans une dynamique positive dans plusieurs villes (Calais, Aubervilliers, Montreuil pour les plus grandes mais aussi Tarbes voire Valenciennes et Alès). Le PCF semble également dominant à gauche au Havre et à Nîmes, deux villes où droite et extrême-droite sont toutefois très fortes. Au-delà des grandes villes, il faut insister sur le poids des maires des petites communes qui ont permis nombre de conquêtes (en Indre-et-Loire, dans les Hautes-Pyrénées).
Il semble ainsi que le PCF, s'il veut amplifier sa remontée nationale et le retour dans la société française des idées qu'il porte, doit désormais penser en terme d'élus locaux. C'est par les maires et derrière eux les politiques menées dans les villes et les villages, véritables instruments politiques au service du Parti, que le PCF pourra de nouveau rendre sensible ses idées dans la société française.