La Meurthe-et-Moselle présente un visage particulier pour le PCF puisque c'est le seul département de l'Est de la France oùil conserve aujourd'hui une forte influence. La Lorraine et la Champagne-Ardennes avaient pourtant été des régions où le parti communiste était puissant dans les années 1970. Comparativement à son poids passé, c'est dans ces régions qu'il a le plus décliné, souffrant de l'effacement rapide et spectaculaire d'une classe ouvrière combative, dans les secteurs miniers (en particulier le fer en Lorraine) et métallurgiques (autour de Longwy, Charleville, Metz, Thionville...).
Le déclin des centres industriels a partout marqué un recul du Parti qui l'a parfois poussé jusqu'à la quasi-disparition, en particulier en Moselle autour de Metz et Thionville. A l'inverse, il a conservé une puissance certaine dans le Nord de la Meurthe-et-Moselle.
Le département peut en effet être découpé en deux "morceaux" : au sud, la majeure partie de l'ancien département de la Meurthe, où le PCF a toujours été marginal. Au nord, dans le corridor séparant Meuse et Moselle, une série d'anciennes villes industrielles en reconversion. Ici comme ailleurs, la sidérurgie et les mines ont décliné. La rancoeur des populations contre la gauche était forte dans les années 1980, lorsque la présidence Mitterrand entérinait la fin de la sidérurgie française.
Comment expliquer la différence entre le maintien de positions de force importantes en Meurthe-et-Moselle et leur quasi-disparition dans les Ardennes et en Moselle ?
La première raison que l'on peut évoquer est historique. Alors que les cinq députés communistes élus dans les Ardennes et en Moselle en 1978 sont battus dès 1981, la représentation communiste au Parlement est plus durable en Meurthe-et-Moselle.
Le département a envoyé de manière continue un député communiste à l'Assemblée Nationale entre 1962 et 1986, et même deux en 1978. Cette implantation plus profonde a donc été plus durable, et a mieux résisté face au déclin. Depuis 1986, si le PCF n'a plus de député dans le département, il y réalise toujours de bon résultats dans les circonscriptions de l'ancien bassin métallurgique (entre 15 et 20 %), très au-dessus de sa moyenne nationale.
Surtout, il conserve une sénatrice, élue du nord du département.
Cette présence parlementaire repose sur un réseau d'élus locaux encore vivace. On retrouve encore une fois ce qui a été le moteur principal du PCF au cours de sa longue période de repli, les élus locaux. La carte des résultats aux élections cantonales de 2011 est significative :
La coupure entre nord et sud du département, qui recoupe une ancienne coupure interne au PCF séparant les deux fédérations du nord et du sud Meurthe-et-Moselle, est nette. Au nord, tous les résultats au-dessus de 30 % des suffrages exprimés sauf un (canton de Bayon). Au sud, tous les résultats inférieurs à 10 % des suffrages sauf deux (Longwy-centre où le PCF ne présente plus de candidat depuis qu'il a perdu la mairie et Longuyon, sociologiquement décalé par rapport aux cantons voisins).
Les résultats sont restés stables à des hauts niveaux au cours des années 2000, avec quelques variations. Ainsi en 2011 le vote communiste a progressé à Villerupt, dans la foulée de la victoire aux municipales en 2008 (reconquête de la ville-centre du canton, perdue en 1995), alors qu'il a baissé à Mont-Saint-Martin.
La coupure est tout aussi nette en terme d'élus : au nord, sept conseillers généraux communistes pour neuf cantons, au sud, un seul pour 35 cantons.
Comme pour les parlementaires, cette vitalité du PCF au conseil général repose sur la force de son réseau municipal d'élus. Le Parti compte encore 22 mairies dans le département dont 6 ayant plus de 3 500 habitants. La plus grande, Villerupt, compte 10 000 habitants. Ces mairies sont dans leur immense majorité regroupées dans l'ancien bassin métallurgique de Longwy :
La Meurthe-et-Moselle est donc un exemple-type des départements dans lesquels le vote communiste subsiste à l'échelon local autour d'élus dynamiques et reconnus, tandis qu'il a décliné au niveau national pour tomber à 15 % environ lorsqu'il est porté par un élu du cru (aux législatives), et encore moins aux présidentielles.
Le bilan est donc sévère : si l'action locale des communistes est toujours reconnue, leur projet national n'est plus entendu. Dans ce contexte, la dynamique du Front de Gauche a ici été peu probante, bien que soutenue par les élus et les militants. Aux européennes, le FdG a obtenu plus de 5 % des voix dans le département (le seul dans ce cas en Lorraine), mais sans parvenir à percer réellement. Aux élections régionales, le PCF a participé au premier tour à la liste d'union de la gauche avec le PS, limitant ainsi la dynamique de l'alliance.
Si les résultats dans le département sont peu flatteurs, ils sont meilleurs si l'on considère la zone de force du PCF, dans le nord du département. Le FdG a ainsi obtenu 23 % des voix à Villerupt en 2009, 16 % à Jarny et 14 % à Mont-Saint-Martin, les trois plus grandes villes communistes, contre respectivement 21 %, 14 % et 9 % en 2004.
Soutenue par les élus, la démarche du FdG a comme ailleurs permis de mettre fin à l'érosion des positions communistes. L'absence de liste aux régionales et la faiblesse générale du Parti dans la région, à l'exception de cette zone de force géographiquement restreinte ont pour l'instant limité les possibilités de confirmer et de renforcer cette première dynamique.
Les élections de 2012 (présidentielles et législatives) ont maintenu le statu quo pour le parti qui n'a pas pu regagner la 3ème circonscription (couvrant la partie Nord du département). Le résultat du candidat du Front de Gauche (7500 voix et 18,4 % en 2012) est même resté sensiblement le même que celui du candidat communiste de 2007 (6600 voix et 18,5 %). L'augmentation du nombre de suffrages obtenus a ainsi été effacé par la hausse simultanée de la participation.
Tout l'enjeu pour le PCF est maintenant de parvenir à maintenir son réseau d'élus aux élections municipales de 2014 et cantonales de 2015.